Emblème de la permaculture à la française, la culture sur butte est l’une des premières choses auxquelles pensent de nombreux jardiniers en évoquant la permaculture. Dans cet article, nous allons essayer de comprendre l’intérêt de la culture sur butte, ses avantages, mais aussi ses inconvénients. Si ces supports de cultures font beaucoup parler, ils ne sont pourtant pas forcément toujours aussi efficaces que ce que l’on pourrait penser.
Sommaire
De quelle butte parle-t-on?
Le terme culture sur butte est vaste et peut regrouper plusieurs façons de s’y prendre. Lorsque l’on parle de butte, on imagine souvent les “Hugelkultur”, ces hautes buttes dans lesquelles on installe du bois en décomposition. Cette technique est ancienne en Europe de l’Est et a été démocratisée dans les années 2000 par Sepp Holzer, fermier et permaculteur autrichien. Le principe est simple, mais pas sans effort : on commence par décaisser les planches de cultures en mettant la terre de côté, on installe de gros rondins de bois en décomposition puis tout type de matière organique. La terre est remise par-dessus et la butte est prête à être mise en culture après un bon paillage en surface.
On retrouve également des buttes moins importantes de 10 à 30 cm de haut. Ces dernières sont davantage des lasagnes, où l’on vient superposer des couches de matières organiques brunes et vertes.
Des buttes sur lit de fumier sont utilisées en maraîchage comme des sortes de “couches chaudes” pouvant hâter un petit peu les cultures précoces.
Dans une logique de permaculture, ces buttes ne sont jamais retournées, toujours paillées et sans cesse amendées avec des déchets organiques locaux. De notre point de vue, les buttes type “Hugelkultur” demandent un investissement physique très important pour un résultat pas forcément si impressionnant.
Les avantages de la culture sur butte
Si les buttes sont bien conçues, elles peuvent s’avérer très efficaces pour certains jardiniers. Voici les cas de figure dans lesquelles ce type de support de culture peut être intéressant.
Recréer un sol
Selon votre région, et encore plus localement votre jardin, le sol peut être peu profond. En effet, la roche mère peut apparaître plus ou moins rapidement lorsque l’on creuse. Dans les causses ou les endroits où le sol est peu profond, la butte offre une épaisseur de sol plus importante. Cela permet un meilleur enracinement des végétaux par la suite ainsi qu’une plus grande réserve de minéraux et nutriments pour les légumes. On viendra, à la manière d’une lasagne, superposer des couches de matières organiques sur les planches de culture.
Dans ce cas de figure, les buttes remplissent bien leur rôle. Il faudra constamment amender la butte afin que celle-ci ne s’affaisse pas trop au fil des saisons.
Cultiver sur butte ou comment drainer un sol hydromorphe
Cultiver sur butte ou juste sur planches surélevées permet, surtout en hiver et lors des passages pluvieux, de mieux drainer le sol. En effet, la plupart des cultures n’aiment pas avoir les pieds dans l’eau de façon prolongée. Si vous avez chez vous un sol très argileux, lourd et qui a tendance à se gorger d’eau, la butte permet de maintenir les pieds de vos plantes hors de l’eau. Dans ce cas de figure, pas besoin d’une butte de 50cm de haut. Avec déjà 15/20 cm de butte, vous obtiendrez des résultats intéressants.
Réchauffer le sol plus tôt en saison
En surélevant légèrement le sol au printemps, on gagne quelques degrés sur la température du sol. Et chaque degré gagné, c’est de la précocité potentielle pour le jardinier. En effet, lorsque le sol prend du temps à se réchauffer, les légumes prennent plus de temps à s’installer. Par exemple, prenons l’exemple de la culture de la carotte. Cette dernière germe dès 10°C, mais à cette température, les plantules prendront 20 à 30 jours à sortir. Les adventices prendront, elles, parfois moins de temps à croître, ce qui entraîne plus de désherbage. Dans un sol bien réchauffé, autour de 20°C, les graines de carottes ne prendront plus qu’une semaine à lever. Les buttes permettent donc de gagner un petit peu en précocité et des légumes qui se développent dans de bonnes conditions seront toujours plus résistants face aux maladies, ravageurs et aléas climatiques.
Autre exemple, le concombre. Si vous le plantez dans un sol sous les 15°C, il va très mal réagir. On peut voir des maladies du sol attaquer les racines et dans tous les cas le concombre ne poussera pas. Si vous le plantez dans un sol à 16°C, il va pousser ! Un petit degrés d’écart… pour de grandes différences à l’arrivée !
Dans une moindre mesure, un peu comme pour les bacs potagers, les buttes de culture permettent de bien délimiter les zones de cultures et ainsi d’éviter le piétinement et le tassement de ces dernières. Si la butte est haute, ce sera également un peu de repos pour vos genoux et votre dos.
Les inconvénients de la culture sur butte
Ces buttes de cultures sont, pour de nombreux jardiniers, le symbole de la permaculture. Pourtant au Potager permacole, après les avoir essayés, nous ne les avons pas adoptées. Voici quelques raisons qui nous ont fait pencher vers un potager à plat, avec apports d’amendements et de paillages.
Un travail titanesque pour quel résultat ?
Décaisser sur plusieurs dizaines de centimètres est déjà en soi un travail peu agréable au jardin. Déplacer toute cette terre, puis venir apporter des brouettes et des brouettes de bois en décomposition, c’est beaucoup d’énergie. Et la permaculture, c’est aussi économiser l’énergie humaine !
Avant de vous lancer dans une butte de culture dans votre jardin, je vous invite à vous demander si vous avez vraiment besoin de ce type de support de culture. Nous allons le voir juste en dessous, mais il n’est pas du tout adapté à tous les contextes et surtout nécessite beaucoup de temps et d’énergie. Au-delà de l’énergie nécessaire à déplacer toute cette matière organique, il faut également la recueillir et la rassembler. Bois mort, petit bois, tontes, compost… Concevoir sa butte revient tout de même à quelques grosses séances de sport pour le jardinier. Et si, au lieu de concentrer cette matière organique sur quelques mètres carrés, on l’avait étalée sur une épaisseur moindre, on aurait pu cultiver davantage de surface. Nous vous expliquons cela dans le cours en ligne que Jean-Baptiste a créé.
Si vous souhaitez essayer, commencez peut-être par une butte de 2/3 m de long pour vous faire une idée. Ce sera peut-être de l’énergie économisée par la suite !
Attention au dessèchement en été avec les buttes
C’est selon notre expérience le principal désavantage de la culture sur butte. Cette dernière étant surélevée, elle est beaucoup plus séchante. Cet avantage pour les sols hydromorphes au printemps peut s’avérer contre-productif en été.
Les vents et le soleil viennent, malgré le paillage, dessécher toute la surface de la butte. Nous avons pu essayer en Corrèze, sur des sols peu profonds, mais aussi en région parisienne dans un potager ombragé et dans ces deux contextes, cette problématique s’est posée assez tôt en saison.
Sans faire de généralité, je dirais que si vous avez des étés chauds et secs (ce qui tend à se généraliser ces dernières années), ces buttes vont nécessiter plus d’arrosage qu’un potager à plat. Pour les cultures légumières, le sol doit être humide en surface et ce n’est pas toujours évident sur les buttes. On vient alors les pailler copieusement pour limiter l’évaporation, mais à moyen terme, cette pratique peut également poser problème. Une trop grosse épaisseur de paillage filtre les pluies et les arrosages. Ainsi, l’eau peinera à atteindre les racines des plantes. En revanche, si vous avez des pluies régulières, même en été, ces buttes peuvent être une solution pour votre potager. Dans le cas contraire, elles peuvent devenir un vrai casse-tête pour le jardinier et parfois même décourager au vu du travail effectué en amont et des résultats à la fin de la saison.
Cet article n’est pas un plaidoyer anti butte au potager, mais davantage un retour d’expérience sur le sujet. J’ai pu observer un potager conçu avec d’énormes buttes “Hugelkultur” en cultures depuis plusieurs années déjà dans les Alpes à 1200 m d’altitude. Ces dernières étaient extrêmement productives et permettent d’enchaîner un peu plus vite les cultures dans cette région où la saison potagère est plus courte. Les buttes fonctionnent dans ce cas de figure où l’eau est abondante jusqu’à la fin du mois de juin et dont la saison estivale est ponctuée de précipitations régulières.
Amendement et fertilisation dans une culture sur butte
Dernier petit point sur lequel il faut insister, la fertilisation. Les buttes de cultures sont occupées une bonne partie de l’année. On y enchaîne deux voire trois rotations par an. Cela entraîne une exportation importante de minéraux du sol. Il va donc falloir penser à fertiliser au fur et à mesure nos buttes (ce qui n’est pas toujours évident !). En principe, les matières utilisées pour concevoir la butte vont permettre aux plantes de pousser, mais il faudra entretenir cette fertilité.
En effet, ces zones de cultures sont permanentes, ce qui fait que sans apport, on se retrouve rapidement avec un appauvrissement et des carences.
Pensez donc à ajouter des paillages diversifiés au fil de l’année ainsi que des engrais organiques ou du compost. Notamment si vous sentez une baisse de la fertilité au fur et à mesure des saisons.
J’espère que cet article vous aura permis de comprendre un peu mieux l’intérêt que suscitent la culture sur butte et surtout qu’elles ne sont pas adaptées à tous les contextes. Le potager c’est avant tout les résultats, mais aussi les croyances du jardinier et les pratiques qui en résultent.
Si cette technique vous tente, commencez par une petite zone du potager et observez une ou deux saisons minimum pour voir comment se comporte ce type de zone de culture chez vous.
Si vous souhaitez aller plus loin, dans notre cours en ligne, nous avons un module dédié aux différents supports de cultures, leurs avantages et leurs inconvénients.
En ce qui me concerne, il y a un autre avantage non négligeable: en posant préalablement au fond du bac un treillis métallique à fine maille, les mulots n’ont plus accès aux racines des légumes. Ceci ne vaut que pour les buttes en lasagne encadrées par une structure complète et solide.
Merci Jean-Baptiste et Bravo!
Enfin un article sincère sur les buttes avec exactement les mêmes problématiques et constats que j’ai pu faire.
Tout y est pour mon cas, celui d’un potager en climat chaud! J’ai eu beau le dire autour de moi, mais les phénomènes de mode sont durs à combattre.
Chez moi il -faut simple, déposer en surface compost, fumier et foin, la nature fait le reste. Avec en prime une meilleure résilience face à la sécheresse 🙂