Sacré mildiou ! Même les jardins en permaculture n’y échappent pas. Et c’est normal : c’est une maladie parfaitement naturelle, elle signe tout simplement la fin de vie d’une tomate. Le problème, c’est quand le mildiou arrive tôt, en juin, ou en juillet, comme en 2021. On ne récolte rien, et la déception nous gagne. Voyons ensemble comment appréhender et gérer le mildiou dans notre potager en permaculture.
Sommaire
Qu’est-ce que le mildiou ?
Le mildiou est une maladie cryptogamique, causée par un champignon : phytophtora infestans. Il touche la tomate et la pomme de terre et plus rarement peut s’attaquer aux poivrons et aubergines. Il existe de nombreuses souches de mildiou différentes, et sont généralement rattaché à quelques plantes potagères. Nous allons développer la question du Phytophthora infestans, le mildiou de la tomate et de la pomme de terre dans cet article. C’est celui qui a été à l’origine de la grande famine de 1840 qui toucha durement l’Irlande et l’Écosse.
Pour se développer, le mildiou a besoin d’une température comprise entre 17 et 20°C avec un taux d’humidité élevé. Une fois apparu, le développement du champignon est foudroyant. Cela dit tout n’est pas perdu : au delà des 30°C, il stoppe son développement.
Pourquoi le mildiou arrive dans nos jardins en permaculture ?
Le parasite est arrivé d’Amérique du Sud en même temps que la tomate après la “découverte” du continent par les Européens. Les solanacées (tomates, poivrons, pomme de terre…) sont donc des légumes exotiques, c’est donc aussi leur cycle naturel de mourir tous les ans à la fin de l’été sous nos latitudes. Le mildiou au cours de l’automne est donc normal dans un potager, en particulier avec des tomates à l’extérieur.
En revanche, en juillet, la tomate est en plein essor si les conditions climatiques le permettent : attraper le mildiou à ce moment-là est sincèrement décevant !
Le mildiou est présent en France depuis le XVIIIème siècle et reste dans les sols de nombreuses années après une culture contaminée. Dans un potager sans traitements, le mildiou sera donc présent en permanence dans la terre et dans l’air. Il se développera seulement lorsque les conditions météorologiques y seront favorables. Les maraîchers en agriculture conventionnelle utilisent des fongicides pour lutter contre le mildiou. En agriculture biologique, la bouillie bordelaise à base de cuivre est tolérée. Dans un jardin pour une production familiale, ces usages sont la plupart du temps proscrits : il existe des méthodes pour limiter les dégâts et récolter de belles tomates tous les ans sans avoir recours au traitement.
Les spores de mildiou peuvent aussi passer l’hiver dans des tubercules de pomme de terre atteints. On recommande souvent d’arracher les rejets de pomme de terre de l’année précédente, car ils ont des chances d’être porteurs du champignon. Cependant la plupart du temps tout se passe bien et les repousses spontanées sont les bienvenues ! Elles offrent des récoltes gratuites et sans effort.
Mildiou et permaculture : comment appréhender cette maladie ?
La meilleure méthode pour éviter le mildiou dans votre jardin en permaculture reste avant tout de l’éviter !
Comme évoqué plus tôt, le mildiou est le plus souvent déjà présent dans le sol où sont plantées vos tomates. Il faut donc à tout prix éviter que ses conditions de développement soient réunies. On vous livre toutes nos astuces pour essayer de manger des salades de tomates tout l’été ! 😉
La bouillie bordelaise : un traitement préventif à bannir
La bouillie bordelaise est un traitement à base de cuivre qui limite le développement du mildiou. Elle est un dérivé du cuivre, autorisée en agriculture biologique. Elle empêche les spores présents sur le feuillage de germer. Une fois ces derniers rentrés dans les tissus de la plante, c’est trop tard. Il est donc avant tout un traitement préventif, qui n’agit presque pas en curatif. C’est donc un produit controversé pour l’environnement, efficace uniquement en préventif, et à appliquer très régulièrement. (dès qu’il pleut, le traitement est lessivé et à refaire). Il est considéré comme écotoxique, c’est-à-dire qu’il nuit aux écosystèmes, à la faune et à la flore.
On observe dans les grandes exploitations viticoles une présence de cuivre très élevée dans les sols où des centaines de litres du produit sont épandus chaque année. Le cuivre pourrait aussi apparaître comme un phytotoxique. L’Inrae le reconnaît dans une étude, “Des concentrations excédentaires en cuivre ont des effets nocifs reconnus sur la croissance et le développement des systèmes aérien et racinaire de la plupart des plantes, dont elles réduisent la biomasse totale. Certaines espèces ou familles, en particulier les légumineuses, la vigne, le houblon ou les céréales, sont particulièrement affectées.”
En savoir plus : https://www.inrae.fr/sites/default/files/pdf/expertise-cuivre-en-ab-synthese-francais-1.pdf
Des méthodes plus douces pour gérer le mildiou en permaculture ?
Les souches du champignon cohabitent avec ces produits depuis des décennies et deviennent plus virulentes. La bouillie bordelaise n’est donc pas toujours très efficace et des produits encore plus toxiques sont utilisés à la place.
Nous essayons donc de mettre en place une stratégie efficace au potager : retarder au maximum l’arrivée du mildiou. Pour cela, nous allons utiliser la prophylaxie, un mot compliqué pour dire quelque chose de très simple : c’est l’ensemble des mesures à prendre pour prévenir des maladies. Protection, effeuillages, éviter les excès de fertilisation ou avoir recours à des variétés tolérantes, nous allons aborder tous ces points.
1. Protéger ses tomates : la meilleure solution contre le mildiou
Le combo 20°C et humidité élevée est souvent fatal pour les tomates. En effet, ce sont les conditions favorables au développement du mildiou. Au printemps, cette situation se présente parfois, comme en 2021 où la fin du printemps, et l’été ont été pluvieux. Résultat ici, tous les pieds de tomates en extérieur ont attrapé le mildiou et ont séché avant même de produire. Heureusement, il y a la serre. Les tomates sont à l’abri du champignon tant que le feuillage reste au sec.
Une serre ou un abri à tomates permet donc de garantir une récolte tous les ans, même en cas d’été frais et pluvieux.
De façon générale, en protégeant cette culture, elle se développera plus vite et offrira des fruits plus longtemps. En revanche, il faut prévoir une bonne aération pour la serre, sans quoi les tomates suffoquent rapidement lors des chaudes journées d’été.
Pendant toute la belle saison, les deux côtés de la serre restent ouverts et cette année un voile d’ombrage rafraîchit bien la serre, c’est très agréable, même en pleine journée. Si vous ne pouvez pas installer de serre chez vous, vous pouvez aussi bricoler des abris de fortune avec bâches transparents, ça marche aussi. ce qui compte, c’est que vos tomates soient bien au sec !
Vous l’aurez compris : la serre est le meilleur moyen de protéger vos tomates du mildiou !
2. Garder les feuilles au sec : Surélever et tuteurer
Comme évoqué dans le paragraphe supérieur, il est primordial de garder au maximum le feuillage de la tomate au sec. Les spores de mildiou se multiplient sur l’humidité résiduelle à la surface des feuilles et des tiges. Lorsque vous arrosez vos plantes, faites-le bien au pied de la tomate, sans trop mouiller le feuillage. Par journée sèche et ensoleillée, quand les températures dépassent les 28°C, vous pouvez cependant humidifier le feuillage si vous arrosez le matin : cela leur fera le plus grand bien ! Mais veillez à le faire uniquement par temps très chaud, caniculaire.
Bassiner une serre avec une aspersion permet de faire monter l’humidité de l’air et baisser la température : les plantes adorent, surtout quand il fait 35°C…
Dans tous les cas, l’air doit circuler entre les feuilles de tomate pour sécher. Les tomates sont généralement conduites sur tuteur pour résoudre ce problème. Il existe de nombreuses façons de tuteurer les tomates, avec des bambous, des ficelles et de nombreuses structures.
Si le pied de tomate est conduit en buisson, sans taille ni tuteurage, il peut reposer sur une cagette déposée préalablement au pied du plant. La taille du feuillage et des gourmands des tomates permet aussi de limiter l’humidité favorable au développement du mildiou, mais attention, la taille peut être à double tranchant.
3. Tailler selon votre contexte
Pour certains jardiniers il faut tailler pour éviter le mildiou, pour d’autres il ne faut surtout pas. Il existe une explication à ces deux théories, mais cela reste toujours à évaluer selon les contextes. Lorsque l’on taille une tomate, on vient enlever les feuilles du bas du plant et les « gourmands » (branches secondaires qui portent des fruits). Cela permet au pied d’être bien aéré et d’éviter une stagnation de l’humidité.
Le mildiou appréciant l’humidité, ses conditions de développement ne seront pas réunies. En revanche, lorsqu’on taille, on vient blesser systématiquement le pied de tomate. Les coupes de taille sont alors une porte d’entrée pour le champignon. Il faut donc toujours privilégier une taille par temps sec, le matin de préférence. La plante cicatrise rapidement si le temps reste sec.
La taille des tomates apparaît donc comme une solution pour limiter le mildiou, mais peut aussi affaiblir la plante et la rendre plus vulnérable au champignon. En vérité, il n’existe pas de sciences exactes et c’est un peu au jardinier de faire comme bon lui semble avec sa propre expérience. Pour limiter le mildiou, il faut que les plants restent bien aérés et puissent sécher vite. À chacun de choisir, la taille se fait souvent au feeling, mais reste un des meilleurs moyens de prolonger ses récoltes de tomates.
De notre côté, le constat est sans appel : les tomates bien taillées attrapent toujours le mildiou en dernier en extérieur.
Mais ce n’est visiblement pas le cas pour tout le monde, Damien Dekarz de la chaîne ‘Permaculture, agroécologie, etc’ notamment, milite pour ne pas tailler les tomates. Selon ses expérimentations, ses tomates n’attraperaient pas le mildiou sans tailler. Du moins, c’est ce qu’il met en avant dans ses vidéos. Nous habitons dans le même département, et avons fait cette expérience plus d’une fois, sans avoir les mêmes résultats. Une histoire de variété ? C’est tout à fait possible. Nous allons poursuivre nos tests 🙂 À vous de tester également.
Nous nous en remettons également souvent aux maraîchers pour vérifier nos méthodes. Comment font-ils ? Ils taillent leur tomate, presque 100% des maraîchers ont recours à la taille… Et ce sont eux les spécialistes de la production de légume… N’est-ce pas ?
4. Choisir les bonnes variétés
Des précoces
Il existe des centaines de variétés de tomates disponibles chez les semenciers. Des goûts, des formes, des couleurs, mais surtout des caractéristiques bien différentes. Avec des variétés tardives, on ramasse parfois les premières tomates à la mi-août. Certaines variétés sont sélectionnées pour leur précocité pour y remédier.
Il existe notamment la ‘précoce de Quimper’, ‘la stupice’, ‘la précoce glacier’ qui permettent de produire des tomates très tôt dans la saison. Ainsi, même si le mildiou attaque les tomates en milieu d’été, il y aura déjà eu une belle production. Damien Dekarz énumère aussi la ‘de bérao’, et ‘la red robin’ (variété naine qui ne montera pas plus haut que 60 cm) comme étant des variétés très précoces.
Des résistantes
La tolérance au mildiou est un critère de sélection variétale depuis des décennies. En effet, certaines tomates résistent mieux que les autres au mildiou. C’est le cas de certaines tomates paysannes comme la ‘Rose de Berne’ qui offre de belles et bonnes tomates. Les variétés ‘cœur de bœuf’ ou ‘noire de crimée’ seront elles moins résistantes. Il existe aussi de nombreuses variétés F1 qui offrent de beaux fruits. Elles résultent de croisements entre des variétés résistantes et d’autres pour leurs goûts. On peut citer des variétés comme ‘Pyros’, ou ‘Maestria’. Mais le goût n’est pas tellement au rendez-vous… On n’en cultive pas ici. On préfère les variétés paysannes et reproductibles.
Stabiliser une variété F1 : Il est aussi possible de créer sa propre variété de tomate résistante au mildiou. En partant d’une variété F1 et en récupérant les graines, il est possible de faire soit même sa sélection des tomates résistantes au mildiou tout en restant bonne. Cela nécessite cependant beaucoup de temps (une dizaine d’années) et d’espace (une cinquantaine de plants) avant d’arriver à une variété stable.
La chaîne Agriculture vivrière partage le début de cette expérience dans une vidéo https://www.youtube.com/watch?v=auHkhkU-a-s
5. Éviter les excès d’azote !
Chaque plante a besoin d’un certain nombre de nutriments pour bien se développer. Une culture comme la tomate est gourmande, généralement, on aime avoir un sol riche pour la planter. Terreau, composts, purins ou engrais naturels nourrissent nos plants. Pourtant, il faut tout de même faire attention aux dosages. Une plante qui a une très grande quantité d’azote disponible poussera vite et aura de grandes feuilles, mais elle sera aussi plus fragile. Que ce soit les ravageurs ou les maladies, ils s’attaquent généralement aux plantes les plus vulnérables.
Un excès d’azote peut donc affaiblir une plante qui sera donc plus sujette au mildiou. Faites donc attention en fertilisant à ne pas trop surdoser. Ça arrive parfois, le potager c’est avant tout des expériences.
Et les rotations?
En maraîchage, une rotation des cultures sur les zones de tomates est préconisée. Cela s’explique par le fait que lorsqu’un plant de tomate attrape la maladie, les spores du mildiou se retrouvent dans le sol. L’année suivante, si les conditions météo sont réunies, il se développera rapidement et plus facilement. Sur les exploitations professionnelles à grande échelle, cela peut effectivement poser problème.
Pourtant dans nos petits jardins, difficile d’effectuer des rotations sur quatre ou cinq ans. De plus, les spores de mildiou sont très volatiles et peuvent se déposer sur quelques dizaines de mètres. Difficile donc de les évincer du potager. À petite échelle, il vaut mieux partir du principe que des spores du champignon sont présents partout dans le sol. Il faut donc mettre toutes les chances de notre côté, mettre les tomates sous abri et limiter l’humidité stagnante au minimum.
Sur notre ancien terrain, les tomates étaient plantées tous les ans au même endroit pendant près de 20 ans. Cela ne nous empêchait pas d’avoir des tomates jusqu’en novembre. Le sol était par contre paillé comme il faut pour éviter les éclaboussures de terre sur les plants : elles sont remplis de spores.
Que faire si le mildiou attaque mes tomates ?
Des remèdes de grand-mère à relativiser
Le mildiou faisant beaucoup de dégâts dans les potagers, chacun a souvent sa recette secrète contre le mildiou. Pulvérisation de bicarbonate, feuilles d’orties et prêle à la plantation ou divers purins, les jardiniers testent et essaient de nombreuses méthodes tous les ans … avec peu de résultats officiels concluants. Il n’existe, à ce jour, pas de réel traitement efficace en préventif à part la bouillie bordelaise, avec ses avantages et surtout ses inconvénients. Il faut davantage prévenir que guérir avec le mildiou. Une fois le pathogène installé, difficile de s’en débarrasser. N’hésitez pas à tester, expérimenter, mais nos retours sur le sujet sont peu concluants.
Vivre avec le mildiou
Si les conditions d’humidité et la température sont favorables au mildiou, il est très difficile de stopper sa progression. Même les traitements à base de cuivre ne permettent pas guérir la plante, éventuellement sauver quelques tomates. Globalement, il n’y a rien à faire, c’est trop tard pour les pieds atteints. Le seul espoir est que les températures remontent, le champignon ne progresse plus au-delà de 30°C. Par temps sec, venez effeuiller toutes les parties malades de la plante afin d’éviter la propagation. Lorsque la maladie gagne un plant, venir le couper et l’éloigner des autres tomates saines. De façon générale, laissez respirer vos tomates en les espaçant bien, c’est l’humidité stagnante sur les feuilles qui favorise le développement du mildiou.
Sur les pommes de terre, le mildiou s’attaque aux fruits comme au feuillage de la plante. Pailler généreusement ses plants atteints par la maladie permet d’éviter la contamination des bulbes par la maladie cryptogamique. En effet, lors des pluies et des arrosages, les spores de mildiou sont lessivés et tombent dans le sol. Une fois dans le sol, les tubercules vont laisser apparaître des taches brunes. Un épais paillage permet donc de ralentir la propagation des spores aux tubercules.
La lutte contre le mildiou dans un jardin en permaculture est avant tout préventive, vive la prophylaxie ! En Europe et sous nos latitudes, le champignon se développe tous les ans ou presque. Le but : retarder au maximum son arrivée et ainsi, pouvoir profiter des tomates du jardin tout l’été !
Il vous reste des questions ? Posez-les nous en commentaires ! 🙂
Un rappel: En fin de saison, mettre les tiges et les feuilles contaminées et/ou fanées aux pieds des fruitiers ou des haies et surtout pas dans le composte…
Je plante mes tomates de sorte qu’elles reçoivent le premier soleil du matin. Ainsi, les premiers rayons vont sécher les feuilles. Je retire également celles qui peuvent toucher le sol.