Nous avons interviewé Marie-Agnès Guichard, présidente du hameau des hérissons afin d’en savoir un peu plus sur le hérisson, et adopter les bons gestes en cas de rencontre !
Créé en 2005, le Hameau des hérissons recueille les hérissons en détresse, malades, blessés ou orphelins…
Le centre se situait dans le Val d’Oise jusqu’à cette année et travaillait avec deux vétérinaires. Depuis, l’association a déménagé en Bretagne et ne prend plus de hérissons en soins pour le moment, le temps de trouver un local dans la région. Néanmoins, Marie Agnès reste en contact avec des vétérinaires et des centres de soins de toute la France, afin de pouvoir rediriger les particuliers qui les contactent vers des personnes capacitaires.
Sommaire
Un point sur les populations nationales
Le hérisson est assez fragile et vulnérable, l’être humain lui cause énormément de problèmes. Près d’un quart des hérissons meurent écrasés par des véhicules, d’autres meurent d’épuisement à force de nager et finissent noyés dans les piscines ou autres points d’eau dont ils ne peuvent pas sortir quand les parois sont abruptes. Les autres causes de mortalité sont diverses : pesticides, famine, prédateurs naturels, outils de jardinage… Si leur population est encore à peu près stable dans la moitié nord de la France, Marie Agnès nous confie qu’elle reçoit régulièrement des témoignages venant des habitants du sud de la France qui s’attristent d’en voir de moins en moins, voire plus du tout. Comme nous le rappelle Marie Agnès : « les incendies, les inondations régulières, les sécheresses… Tous ces phénomènes de plus en plus nombreux dans plusieurs régions accentuent leur disparition. » Les hérissons sont donc en difficulté, et il apparaît comme étant de notre devoir de favoriser leur présence dans nos jardins en leur laissant l’accès libre.
Les prédateurs du hérisson
Le premier prédateur du hérisson est indéniablement l’Homme. Même s’il ne s’attaque pas directement à ce mammifère, les activités humaines avec les produits rejetés dans la nature, les véhicules et le cloisonnement des espaces nuisent à l’espèce. La présence de chien sur un terrain peut décourager le hérisson de venir s’y installer, il peut être dérangé ou blessé par un chien trop curieux qui viendrait le débusquer pendant son sommeil diurne.
Ses principaux prédateurs naturels reconnus sont : le blaireau, le hibou Grand duc et le renard. Le premier se sert de ses longues griffes acérées pour dépecer le hérisson et s’en délecte sans mal. Le rapace quant à lui use de ses serres et de son bec aiguisé pour arracher les épines et le dévorer. On retrouve d’ailleurs peu de boules de piquants dans les zones fréquentées par ces deux prédateurs. Le renard s’attaquerait surtout aux jeunes sans défenses (les piquants sont plus souples) et aux individus malades. En revanche, un adulte qui se met en boule sera beaucoup moins attrayant pour lui. Les pies et les corbeaux s’attaquent aussi souvent aux bébés qui sortent leur museau pendant la journée.
Comment réagir lorsque l’on rencontre un hérisson ?
Si on rencontre un hérisson la nuit dans son jardin, on ne fait rien ! On l’observe, on s’en réjouit et on le laisse vivre sa vie ! On pourra, dès le lendemain, s’assurer que le jardin possède plusieurs niches qui pourraient l’aider.
En revanche, si on l’aperçoit amorphe en pleine journée, c’est alarmant. « Il faut agir vite », nous explique Marie Agnès.
« Si on le laisse au soleil, les mouches vont venir pondre sur lui et les larves (myases) vont pénétrer par la peau en la grignotant et aussi passer par les oreilles, la bouche et même l’anus.
Il se fait dévorer vivant dans les jours qui suivent si on intervient pas rapidement ».
Si vous rencontrez un hérisson dans cet état, il faudra impérativement le rentrer à l’intérieur dans un carton tapissé de journaux et recouvert d’un linge. « C’est très important de le protéger des mouches et de contacter au plus vite un centre de soin », explique Marie Agnès.
Laissez-le tranquille, inutile de le stresser davantage en s’attroupant à son chevet.
Cela dit, il faut nuancer : certaines femelles hérissons, lorsqu’elles allaitent, prennent parfois une pause au soleil. Si le hérisson est alerte, se lève et retourne à sa cachette lorsque vous arrivez : tout va bien pour lui ! Seule l’inactivité totale et prolongée doit vous alarmer : ne vous précipitez pas donc tout de suite à son secours, commencez par l’observer quelques minutes.
Et les bébés ?
Il vous arrivera peut-être dans votre vie de jardinier amoureux de la nature de rencontrer des bébés hérissons seuls. Il faut s’assurer qu’ils ne soient pas juste sortis pour faire leurs besoins. Les petits sont curieux et intrépides, ils échappent parfois à la surveillance de leur mère. Si un petit ne retourne pas rapidement vers son nid, dans ce cas-là, peu importe la période de l’année, il faudra le prendre avec des gants et le poser dans un carton ouvert sur une bouillotte entourée d’un linge sans maille pour qu’il ne se brûle pas puis le recouvrir d’une polaire pour qu’il garde sa chaleur. Les bébés en détresse sont toujours en hypothermie même en été. Il faudra le peser et noter sa forme (ronde ou allongée), c’est une indication indispensable à transmettre aux centres de soins. En effet, un hérisson rond d’apparence dodue pesant 300 g n’aura pas les mêmes besoins que celui du même poids mais d’apparence mince et rectiligne, signe d’une extrême maigreur donc d’une grande détresse. « Surtout ne donnez jamais de lait de vache ni de pain, ces derniers sont poisons pour eux » prévient Marie Agnès.
Les bébés sont très fragiles, il faut les manipuler avec des gants et beaucoup de précautions et seulement si cela est nécessaire à leur survie.
Nourrir les hérissons. Bonne ou mauvaise pratique ?
Oui et non, cela va dépendre de la période. Il ne faut pas obligatoirement les nourrir toute l’année car lors des périodes, pluvieuses, le hérisson trouve sa nourriture en abondance. Marie Agnès nous explique à ce sujet : « Pendant les périodes de grosses chaleurs et de sécheresse, on peut leur offrir de la nourriture et de l’eau, cela peut leur sauver la vie. À l’approche de l’hiver, laisser des croquettes et de l’eau à disposition pour les juvéniles leur permettra de prendre du poids et d’accumuler les calories nécessaires à la période d’hibernation. »
Dans un monde parfait, il ne serait pas nécessaire de les nourrir. Cela dit, le monde est dorénavant si hostile pour eux que nous préférons être acteurs du maintien de la biodiversité plutôt que spectateurs de sa destruction ! C’est le même débat avec les oiseaux… Il n’existe pas de bonnes ou de mauvaises réponses, chacun fait comme il pense être le mieux. Si vous souhaitez les nourrir, donnez-leur des croquettes pour chat ou petit chien, ainsi que de l’eau dans un récipient de faible hauteur.
Le hérisson en guise d’anti-limace. Vraiment ?
C’est un argument qui revient souvent : le hérisson serait friand de limaces. Il mange des limaces oui, mais pas que… Sa nourriture est très variée. Le hérisson est un opportuniste : il s’accommode de ce qu’il trouve.
Vers, escargots, fruits, champignons et même serpents, lézards et oisillons tombés du nid peuvent se retrouver à son menu !
Il a une très bonne résistance aux venins et à certaines bactéries toxiques pour l’homme. Dans un dossier passionnant du magazine « La Salamandre », on apprend même qu’il peut se délecter d’un scarabée bleu, le méloé. Ce petit insecte contient une dose de poison de plus de 4 mg, qui tuerait un humain de 80 kg ! Un véritable omnivore donc, qui mangera, entre autres, une partie des limaces et escargots du potager !
Un odorat et une ouïe fine
Dans ces chasses nocturnes, l’odorat de l’adorable petit mammifère est particulièrement efficace. Il se balade, museau collé au sol et renifle toutes les odeurs. Il est capable de sentir des vers de terre à plusieurs mètres de profondeur, mais aussi de localiser les dangers et ses congénères dans l’espace. Par ailleurs, il est très sensible aux hautes fréquences. Il capte très bien les sons entre 7 et 84 kHz. À l’inverse, il n’entend pas les basses fréquences, à moins de 2 kHz. Il entendra donc la mastication d’une larve ou les ailes d’un papillon, mais pas forcément les pas d’un humain allant dans sa direction. En revanche, son odorat aiguisé l’avertira de sa présence.
Sortie d’hiver et accouplement
Lorsque la température nocturne dépasse 8 à 10 °C et que les journées se réchauffent, les boules de piquants se réveillent. Ils peuvent parfois sortir plus tôt de leur hibernation s’ils n’avaient pas constitué un stock de graisse suffisant à l’automne précédent. Les mâles sont les premiers à sortir et se mettent en quête d’une partenaire, en parcourant parfois des kilomètres. Les femelles, plus casanières, se focalisent sur la recherche de nourriture afin de pouvoir accueillir au plus vite une portée. Lors de son éveil, le hérisson passe plus de
80 % de son temps à chercher de la nourriture. Lorsqu’un mâle trouve une femelle, il n’est généralement pas le seul prétendant, et des combats entre mâles se déroulent au clair de lune. Les concurrents passent de longs moments à se toiser, tête baissée et piquants hérissés sur le front. Après de longues minutes, en quelques secondes, l’un charge. Il fonce tête baissée sur son adversaire afin de le mettre en déroute. Ces combats peuvent impliquer plusieurs mâles, jusqu’à une petite dizaine !
La femelle choisit enfin son partenaire afin de se reproduire. Une femelle peut copuler avec jusqu’à sept partenaires afin d’augmenter ses chances de mise bas. Une parade amoureuse débouche uniquement dans 7 % des cas à une union. Après l’accouplement, la femelle recherche un endroit tranquille pour mettre bas. Elle prévoit plusieurs nids afin de pouvoir déplacer ses petits si elle était dérangée. Après 35 à 37 jours de gestation, 4 à 5 petits naissent aveugles et sans piquants. Ces derniers percent leur peau quelques minutes après la naissance. La femelle chassera la nuit pour ses petits, et les allaitera la journée. Au bout de 3 à 4 semaines, les jeunes commencent à sortir et accompagner leur mère à la chasse. Trois ou quatre mois après leur naissance, ils prennent leur indépendance et se dispersent. Ils commencent de leur côté à s’engraisser pour passer l’hiver et les froids à venir. Un hérisson peut vivre de 4 à 8 ans en moyenne, mais en réalité son existence est souvent abrégée avant, du fait de l’activité humaine et de ce qui en découle.
Accueillir les hérissons
Marie Agnès est catégorique : « il faut laisser des ouvertures entre les différents jardins. Allez voir vos voisins et expliquez-leur que les hérissons doivent pouvoir circuler librement. Cela leur évitera de passer par la route pleine de dangers mortels. »
En effet le territoire de chasse d’un hérisson peut s’étendre sur plusieurs hectares.
Le cloisonner dans un jardin ne fera que le rendre malheureux.
Sachez que si votre jardin est une gigantesque pelouse, il y a peu de chances qu’il s’y installe. L’idéal est d’avoir un jardin aux ambiances variées, comme le modèle du réseau Hortus.
Créer une cabane dédiée ne changera pas grand-chose, il faut commencer par végétaliser le jardin. On pourra ensuite prévoir des aménagements spéciaux pour eux si on le souhaite.
Il est important d’avoir des massifs de hauteurs variées, dans lesquels le hérisson pourra se déplacer et se cacher.
Un abri à hérisson
Un abri à hérisson digne de ce nom !
Si votre jardin convient à l’accueil des hérissons, il sera intéressant de construire un ou plusieurs petits abris. Ils peuvent revêtir différentes formes, l’important est :
• qu’ils soient le long d’une haie, à mi-ombre par exemple ou à minima protégé par des végétaux et des vents dominants. Imaginez-vous passer l’hiver dans cette cabane !
• Que le toit soit étanche : on peut poser des feuilles sur le sol, mettre une cagette découpée, recouvrir d’une petite bâche et remettre des feuilles pour isoler.
• Que le sol reste le plus sec possible.
Retrouvez des exemples pertinents sur le site : http://www.hameaudesherissons.fr
Pour finir, un peu de douceur…
Les hérissons sont très observateurs ! Marie Agnès nous explique qu’ils observent le terrain et les habitudes des personnes avant d’entrer dans leur jardin et de venir parfois à leur contact. « Je me rappelle d’un hérisson qui venait dans notre jardin pour manger les croquettes du chat. En partant, il laissait toujours une petite crotte près de la gamelle. Cela veut dire « merci, je suis passé, c’était bien bon !» C’est aussi un message pour les autres « C’est ma gamelle » : une boîte mail en quelque sorte ! »
Le hérisson est très intelligent, il apprend au fil des mois à connaître son environnement et se permet parfois de nombreuses choses ! Marie Agnès nous raconte une anecdote très amusante à ce sujet. Des membres de l’association ne comprenaient pas pourquoi ils trouvaient parfois des oeufs cassés provenant de leur poulailler dans leur jardin. Une nuit, équipés d’une caméra nocturne automatique, ils ont compris ! C’était un coup du hérisson : il poussait l’œuf avec sa tête, en le faisant rouler le plus rapidement possible vers une pierre. Paf ! L’œuf s’écrasait, se cassait et le hérisson pouvait alors le manger ! Malin, n’est-ce pas ?
Alors ne cessons pas de nous émerveiller devant la faune de nos jardins, et transmettons ces moments à nos enfants, afin que le monde de demain ait une chance d’être favorable à la biodiversité !
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