Le soleil est au zénith et deux Croqueurs de pommes s’affairent au verger. Pelle à la main, Christian Gadaud et Georges Fraysse multiplient et divisent des plantes mellifères afin de les répartir au verger.
L’association nationale des Croqueurs de pommes a été créée en 1978 et œuvre à la sauvegarde du patrimoine fruitier local. Depuis, soixante-quatre associations locales du même nom se sont constituées dans de nombreux départements. En France, l’association regroupe plus de huit mille adhérents répartis sur le territoire. Depuis 2003, les croqueurs ont créé une antenne en Corrèze. Son président, Christian Gadaud et le secrétaire de l’association Georges Fraysse coordonnent les trois-cent-cinq bénévoles qui viennent s’entraîner à la greffe de fruitiers. « Notre mission consiste à l’identification, la sauvegarde et la valorisation des arbres fruitiers anciens. Cette année, près de deux mille porte-greffes ont reçu un greffon et 4000 arbres ont été plantés par les adhérents » confesse Christian Gadaud le sourire aux lèvres.
Sommaire
Un véritable conservatoire fruitier
Sur le petit verger, deux-cents pommiers élèvent leur jeune houppier vers le ciel. Quelque quatre-vingt-dix espèces de ce fruitier sont bichonnées, entretenues et préservées par l’association corrézienne. « Un croqueur plante un arbre, le greffe ensuite, il devient arboriculteur et protecteur de notre riche patrimoine fruitier » explique Georges Fraysse le chapeau vissé sur la tête. Depuis six ou sept ans, les croqueurs de Corrèze travaillent de pair avec l’INRAE d’Angers afin d’identifier et de classer leurs variétés.
Chaque année à la même période, ils envoient des échantillons de feuilles afin que l’institut procède à une identification génétique par séquençage. « Ce partenariat nous permet de mieux protéger les variétés anciennes en les nommant et en les multipliant ensuite. C’est une chance pour nous, mais aussi pour la préservation du patrimoine fruitier local. La pomme « Blanche de Lachaud », qui avait disparu de Corrèze, a ainsi été retrouvée il y a quelques années ! » Déchiffre le président regardant rêveur ses protégés.
Une préservation du patrimoine naturel
Au-delà du travail des arbres, l’association œuvre aussi au maintien de la biodiversité. Depuis quelque temps, des bandes d’herbes fleuries égayent les allées du verger. Ces zones exemptes de fauche accueillent de nombreux insectes, dont les précieux pollinisateurs du verger. Georges Fraysse affirme fièrement : « nous avons pris le parti de laisser pousser l’herbe et d’observer. Nous avons aussi installé un haut perchoir à rapaces afin qu’ils viennent chasser au verger et limiter les invasions de rongeurs ».
Vous cherchez quelles fruitiers implanter dans votre jardin ? Quelles variétés en particulier ? Nous vous invitons à nous suivre dans une visite que nous avons rendu à Sébastien et Cécile de la pépinière Sebtan dans le Tarn. Ils nous confient les meilleurs variétés à implanter au verger selon eux.
Depuis la vie s’active autour des arbres et les butineurs visitent les floraisons étalées des fruitiers. Les Croqueurs de pommes sont avant tout une association à visée pédagogique. Ils interviennent régulièrement dans les écoles, les collectivités et les EHPAD pour sensibiliser un public le plus large possible. L’année dernière malgré les restrictions sanitaires, quelque cent-vingt arbres ont été greffés au lycée de Meymac dans le département. Un projet futur : alimenter la cantine scolaire en fruits locaux et de saison.
Un objectif de conservation par la multiplication
Une fois les fruitiers identifiés, ils sont greffés et multipliés pour assurer leur conservation. La greffe permet la reproduction à l’identique du greffon de la plante mère. Elle revient à souder un porte-greffe et ses qualités avec une autre variété dont on recherche des qualités gustatives ou productives. L’association propose donc des stages de greffe aux adhérents presque toutes les saisons. À chaque moment de l’année, il est possible d’effectuer des greffes de différentes façons.
L’été et ses fortes chaleurs arrivant, la période de la greffe en écusson est ouverte. Dès le mois de juillet et au cours du mois d’août, il est possible de venir garnir les porte-greffes. Pour réussir l’opération, il faut que l’arbre soit bien en sève. Georges Fraysse conseille de bien arroser les porte-greffes en amont : « il faut que les arbres aient les pieds dans la boue pour maximiser les chances de voir une cicatrisation rapide et une reprise de la greffe ». La greffe en écusson nécessite de la patience, il faudra attendre le printemps suivant pour savoir si le greffon va repartir.
La greffe en écusson pas à pas
1. Choisir son porte-greffe
Cherchez un fruitier spontané dans votre jardin.
2. Prélever l’écusson
Pour la greffe d’été, tout commence par le prélèvement de l’écusson. Après avoir choisi la variété à multiplier, sectionnez un rameau de l’année, déjà bien aouté (lorsque les nouvelles branches deviennent ligneuses, c’est-à-dire en bois dur) d’une vingtaine de centimètres. Prélevez un œil, c’est-à-dire la base d’une feuille à laquelle l’arbre laisse un « œil dormant ». Le bois qui a été prélevé avec l’œil doit être retiré afin que l’écusson soit tout propre.
3. Préparez le porte greffe
Avec la lame du greffoir bien aiguisée, entaillez verticalement l’écorce sur quatre centimètres puis effectuez un « T » en découpant une entaille horizontale en haut de la première.
4. Placez le greffon
Avec la spatule du greffoir, venez délicatement décoller l’écorce du porte-greffe. Attention, l’arbre doit être bien en sève pour que l’écorce se décolle facilement. Maintenez l’écorce entre-ouverte et glissez-y l’œil dormant.
5. Ajustez la mise en place
Faite descendre le greffon bien en bas de la fente et veillez à ce que l’écorce du porte-greffe le recouvre bien. Les écorces doivent être en contact, c’est à cet endroit que prendra la greffe.
6. La ligature
Pour finir, ligaturez la greffe avec un raphia bien humide ou un élastique à greffe pour maintenir les deux parties de bois bien jointives. Les élastiques sont prévus pour laisser prendre la greffe et se décomposer ensuite. Le raphia nécessite un peu plus de surveillance et devra être retiré au bout d’un certain temps afin de ne pas faire un garrot à l’arbre.
Une fois le greffon en place, arrosez bien puis patientez. Au bout de deux semaines, le greffon devrait avoir repris et perdu son pétiole (la base de la tige restée sur l’écusson) et laissé un œil bien vert. Dès le mois de mars ou d’avril suivant, les premières feuilles du sujet greffé devraient sortir. Pensez à enlever les repousses sous le point de greffe au fur et à mesure. « Il n’y a pas de sciences exactes sur la greffe et sur la taille, c’est seulement des choix. Les arbres peuvent être entretenus pour les fruits, ou bien pour le bois, la structure de l’arbre » rassure Georges Fraysse, « à chacun sa méthode » conclue-t-il. Seul un couteau bien aiguisé suffit pour réaliser cette opération, il ne vous reste plus qu’à essayer dans votre jardin.
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