En septembre 2021, nous sommes allés à la rencontre de Damien Dekarz, sa compagne Marie, et de leur jardin ! L’occasion pour nous de vous parler de « Chop and Drop », littéralement « Couper, déposer » en français. Une pratique permacole, vertueuse et pleine de bon sens que nous vous proposons de (re)découvrir ensemble.
Sommaire
Le chop and drop en quelques mots
Cette méthode permet de créer de la fertilité sur place, sans apport extérieur. Elle consiste à couper de la matière organique vivante, et à la déposer au sol pour le nourrir. La nature pratique elle-même le chop and drop depuis toujours, mais à son rythme ! Quand un arbre meurt, qu’une branche se casse, ou que l’hiver arrive et que les prairies non fauchées se couchent au sol, on obtient alors les mêmes effets !
Pour le jardinier, la pratique est accélérée : il taille lui-même les végétaux et les sélectionne selon leur capacité à se prêter au jeu.
Cet article n’a pas vocation à vous faire découvrir cette méthode, nous sommes sûrs que vous la pratiquez déjà en partie, mais à mettre un mot, plutôt une expression, sur ce geste que l’on réalise collectivement au jardin !
Pourquoi le pratiquer ?
Le but est bien évidemment d’apporter de la biomasse au sol, pour le nourrir et favoriser/accélérer les cycles biologiques, notamment ceux du carbone et de l’azote. Un sol nourri régulièrement est souvent synonyme d’un sol en bonne santé ! Vous aurez ainsi les avantages d’un paillage, mais produit sur place.
Pour quels jardins ?
Tous les jardins ne sont pas fait pour la production de biomasse. Il faut un peu de place. Lorsque l’on est limité dans l’espace, et que nous souhaitons produire de la nourriture, l’arbitrage est souvent difficile entre les différentes zones : laisser de l’espace pour la biodiversité, produire sa biomasse, et une partie de son alimentation… Pas facile dans quelques dizaines de mètres carrés, surtout lorsque l’on fait la chasse aux intrants !
Un système permaculturel idéal ne nécessite pas ou peu d’intrants extérieurs. Néanmoins, nous considérons que la biomasse est un bien commun et qu’elle peut être gérée au niveau communal ou intercommunal. Ainsi, si votre jardin est petit, et que vous n’avez pas de sensibilité particulière au fait de produire vous-même votre biomasse, n’hésitez pas à l’importer. Il serait dommage de sacrifier la moitié de votre jardin pour la produire… ! Cherchez tout de même des approvisionnements locaux, c’est sur ce point que vous pourrez rendre vos pratiques plus durables. À ce titre, rapprochez-vous des services techniques de votre commune, déchetteries, entreprises d’espaces verts, centre équestre….
Quelles plantes pour le chop and drop ?
Voici quelques végétaux que Damien nous a conseillés durant notre visite !
La massette
Plante aquatique très cultivée dans les forêts-jardins, la massette produit énormément de biomasse. Pour la cultiver, vous aurez besoin d’une zone humide dans votre jardin ou, à défaut, d’un bac qui retient l’eau. Vous ne serez pas déçu, la plante offre une large sélection de cannes à venir couper et déposer aux pieds de vos cultures, pérennes ou annuelles.
Cela ne l’empêchera pas de continuer à pousser et de vous offrir ses multiples parties comestibles. La massette à feuilles larges est en effet comestible de la tête aux pieds !
Les jeunes pousses sont consommées telles des asperges. Le pollen est utilisé pour enrichir en vitamines et minéraux des préparations. Fabrice Desjours de la Forêt Gourmande nous avait proposé une recette l’an dernier :
Les racines sont également comestibles, cuites ou transformées en farine. Damien nous le rappelle : « L’épi se consomme comme un épi de maïs lorsqu’il est jeune, c’est excellent ». Enfin, la massette est une très bonne plante filtrante, largement utilisée en phyto-épuration.
Les saules
La plante par excellence pour le chop and drop ! Les saules poussent extrêmement vite, et sont des alliés de taille au jardin. Leur floraison précoce nourrit de nombreux insectes, leur pousse rapide permet de créer rapidement du relief sur un terrain nu. Il est en effet facile de créer de belles ambiances arborées en quelques années seulement. Après 3 à 4 ans, il mesure déjà plusieurs mètres.
On peut alors le tailler fortement et l’utiliser en amendement. On pourra faire grimper des végétaux comestibles dessus si on le laisse pousser. Mais on pourra aussi tout à fait le rabattre régulièrement près du sol. Point positif : il se plaît presque partout, même s’il préfèrera les zones humides !
Damien utilise même le saule crevette en association avec ses fruitiers. Il le taille alors en trogne, à quelques dizaines de centimètres du sol. Le saule est alors planté à deux pas du fruitier. De quoi venir bousculer les idées liées à la concurrence des végétaux… Mais c’est un autre débat !
La consoude
Cette herbacée, très utilisée en jardinage naturel, vous apportera de la matière verte à épandre au potager. Vous pourrez la tailler plusieurs fois par an. Prenez si possible la variété bocking 14, stérile, ce qui vous évitera d’être envahi.
9,8 C’est le rapport carbone/azote de la consoude. Il est optimal pour la nutrition des plantes.
La consoude se décompose très rapidement en offrant ses précieux nutriments.
Et toutes les autres !
La méthode du chop and drop ressort finalement du bon sens ! Nourrir son sol est la base du jardinage sol vivant. Ainsi, n’hésitez pas à faire du chop and drop avec tout ce que vous trouvez !
Tous les végétaux peuvent être utilisés, y compris vos cultures… C’est ainsi que procède Damien dans sa serre : les tomates sont tellement exubérantes qu’il n’hésite pas à tailler celles qui dépassent dans les allées. Les tailles sont bien évidemment déposées directement sur le sol. Vous allez aussi sans doute modifier le regard que vous porterez aux classiques liserons, gaillet, amaranthes et autres plantes habituellement classées « indésirables ».
En changeant notre vision de ces plantes, elles se transforment en un précieux mulch nutritif ! À condition de les couper avant que leurs graines ne soient formées… ! De plus, c’est la meilleure façon de les épuiser.
Des plantes à éviter ?
Oui, tout ce qui drageonne facilement, et en particulier les végétaux à épines ! On retrouve dans notre liste noire : les prunelliers, les robiniers faux-acacias, les sumacs, les bambous, et autres… Si vous les taillez, ils risquent de s’étendre très loin et d’envahir le jardin. Nous en avons fait l’expérience notamment avec les bambous et les sumacs. Concernant les bambous, notre touffe couvrait environ 80m2. Ayant décidé de les supprimer, nous avons tout coupé. L’année suivante, les bambous sont ressortis en nombre sur près de 1000 m2 autour de la touffe. En creusant, nous avons découvert un maillage épais de racines de bambous sur toute la surface. Prudence, donc… Nous coupons encore régulièrement les repousses, près de 2 ans après la première taille.
Un système de chop and drop à réaliser chez vous
Dans une volonté de gérer la fertilité de votre potager de la manière la plus locale possible, il est possible d’aménager de petites haies autour du potager avec des essences vigoureuses et faciles à tailler (illustration en page suivante). Nous pensons ici aux saules, mais il est possible d’utiliser une multitude de végétaux à croissance rapide : groseilliers à fleur, eleagnus, troènes, etc. Vous pouvez inclure quelques fruitiers : pêcher, abricotier, amandier…
L’avantage de ce système est similaire à celui des haies :
• les radicelles des arbustes vont se décomposer dans le sol tous les ans, apportant du carbone à ce dernier. Les feuilles mortes font amender le sol en tombant à proximité du potager (ce qui demande aussi d’être vigilant pour ne pas voir ses semis se faire recouvrir à l’automne)
• les haies vont relâcher de l’humidité en été.
• l’érosion sera limitée
• enfin, vous aurez de la biomasse à valoriser ! Comme si vous aviez un engrais vert permanent… !
Le chop and drop est une pratique vertueuse, que nous avons tous, sans le savoir, plus ou moins adopté dans nos jardins. N’hésitez pas à nous partager vos plantes favorites !
Aller plus loin :
Merci pour cet article et cette vidéo très instructifs !